Préjudice Corporel – Infractions Pénales

L’incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ouvrant droit à réparation intégrale du préjudice devant la CIVI ne se confond pas avec le déficit fonctionnel temporaire au regard duquel est évalué le montant de l’indemnisation.

Une victime sollicitait de la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI), la réparation intégrale du préjudice subi du fait de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois.

Pour apprécier la gravité de l’incapacité totale de travail personnel et débouter le requérant de sa demande, la Cour d’Appel n’avaient retenu que la période d’hospitalisation effective de deux jours de ce dernier, sans tenir compte de son arrêt de travail d’environ deux mois.

Or, selon le rapport du groupe de travail présidé par Jean-Pierre Dintilhac en 2005, le déficit fonctionnel temporaire traduit « l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu’à sa consolidation. Elle correspond aux périodes d’hospitalisation de la victime mais aussi à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante que rencontre la victime pendant la maladie traumatique ».

La Cour de cassation, par Arrêt en date du 19 novembre 2015 Pourvoi n°14-25519, a sanctionné la confusion opéré par la Cour entre les notions d’incapacité fonctionnelle totale et celle de déficit fonctionnel temporaire. La Haute Juridiction commence par rappeler le texte de l’article 706-3 du code de procédure pénale en indiquant que « toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction peut obtenir réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque, notamment, ces faits ont entraîné une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ».

Elle pose ensuite le véritable apport de sa décision en jugeant que « cette incapacité ne se confond pas avec le déficit fonctionnel temporaire au regard duquel est évalué le montant de l’indemnisation ». Pour la deuxième chambre civile, l’incapacité totale de travail personnel et le déficit fonctionnel permanent sont deux choses totalemnet différentes.

Alors que l’incapacité totale de travail est une condition de recevabilité de la requête en indemnisation, le déficit fonctionnel permanent n’est qu’un critère d’évaluation du montant de cette dernière. La première a une incidence sur le principe du droit à réparation, le second n’a de conséquences que sur ses modalités.

Toutefois, le texte applicable à la CIVI évoque précisément une incapacité de travail « personnel ».

Le requérant, qui non seulement n’était pas dans l’incapacité totale d’effectuer toute tâche de nature personnelle mais avait en outre la possibilité d’effectuer certaines tâches professionnelles, ne pouvait, pour la cour d’appel, prétendre à une réparation intégrale. Il invoquait quant à lui que la seule impossibilité de parler et de démarcher les clients constituait une « gêne notable dans l’exercice de ses capacités fonctionnelles usuelles, si même elle n’est pas dans l’impossibilité absolue de se livrer à quelque activité physique ou professionnelle que ce soit » susceptible de caractériser l’incapacité totale de travail personnel.

Bien qu’elle fasse droit à l’argumentation du requérant sur l’impossibilité d’assimiler les deux notions litigieuses, la Cour de cassation n’entre pas dans le débat sur la portée de la notion d’incapacité totale de travail personnel au regard des tâches pouvant ou non être réalisées par la victime. Elle se contente de sanctionner le mode de raisonnement des juges du fond et l’assimilation opérée par ces derniers. La Cour pose donc une distinction de principe qui devra être saluée en ce qu’elle rend une certaine autonomie au juge par rapport aux conclusions de l’expert dans un domaine où la parole de ces derniers revêt une autorité de plus en plus déterminante pour l’issue des litiges.